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Les droits d’auteur en zone UEMOA : focus sur les cadres juridiques et initiatives culturelles des états membres

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Les droits d’auteur en zone UEMOA : focus sur les cadres juridiques et initiatives culturelles des états membres

Après avoir abordé les problématiques générales liées aux droits d’auteur et à l’impact du piratage dans la zone UEMOA, nous allons maintenant nous concentrer sur les spécificités nationales de certains États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine. Chacun de ces pays, bien que partageant des défis communs, possède ses propres initiatives et structures institutionnelles pour la gestion des droits d’auteur. Cet article fait suite à notre analyse générale et met l’accent sur des pays tels que la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso, et le Mali, en examinant leurs cadres légaux, les industries culturelles et créatives (ICC), ainsi que les réformes en cours.

Le cadre des droits d’auteur au Sénégal

Le Sénégal, sous la présidence de Léopold Sédar Senghor, a fait de la culture une composante essentielle de son développement. Le Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur (BSDA) a été créé en 1972 pour gérer les droits d’auteur et protéger les créateurs. Cependant, face à la nécessité de moderniser les structures, la Société sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (SODAV) a remplacé le BSDA en 2016, devenant la première société civile du genre dans la zone UEMOA.

La SODAV a été conçue pour fonctionner de manière autonome et transparente, avec un conseil d’administration élu par les sociétaires. Elle gère non seulement les droits d’auteur, mais aussi les droits voisins et la copie privée. Bien que le cadre législatif soit en place depuis la loi de 2008, l’application reste complexe en raison de problèmes tels que le piratage et les insuffisances des infrastructures numériques pour suivre et protéger les œuvres.

L’une des grandes avancées du Sénégal réside dans sa capacité à percevoir des droits sur les œuvres audiovisuelles et musicales via des mécanismes innovants. En 2017, la SODAV a réussi à collecter des redevances, représentant une grande partie du montant total collecté. Cependant, des contestations persistent concernant le fonctionnement de la SODAV, notamment des plaintes pour une lenteur des opérations.

Le Burkina Faso : un pays pionnier dans la protection des droits d’auteur

Le Burkina Faso, réputé pour son festival international du cinéma et de la télévision africains (FESPACO), a un long historique de promotion des droits d’auteur dans l’industrie cinématographique. Le pays a mis en place un cadre juridique fort, axé sur la protection des droits d’auteur à travers le Bureau Burkinabé du Droit d’Auteur (BBDA), créé en 1985.

L’industrie cinématographique burkinabè bénéficie d’une reconnaissance internationale grâce à des événements comme le FESPACO, qui permet de promouvoir le cinéma africain et de sensibiliser les acteurs locaux à l’importance de protéger leurs œuvres. Cependant, malgré cet essor, le secteur audiovisuel continue de souffrir du piratage, ce qui réduit les revenus des créateurs. De plus, les infrastructures culturelles, en dehors des grandes villes, sont encore limitées.

Le Burkina Faso travaille à moderniser son cadre juridique pour faire face aux défis du numérique. Le BBDA a entamé des initiatives pour améliorer la gestion des droits d’auteur à l’ère digitale, avec des projets visant à la digitalisation des processus de collecte des redevances. Cela inclut l’optimisation des bases de données et des collaborations avec les géant internationaux pour assurer une meilleure répartition des droits.

Le Mali : la stratégie culturelle au service du développement

Le Mali, riche en patrimoine culturel et musical, s’est toujours appuyé sur ses traditions pour promouvoir ses industries créatives. Le Bureau Malien du Droit d’Auteur (BUMDA) a été créé en 1978 pour protéger les artistes et leurs œuvres.

Malgré des avancées législatives, le Mali reste confronté à des défis importants. Le pays a subi des crises sécuritaires qui ont fragilisé le secteur culturel, rendant difficile la mise en œuvre effective des droits d’auteur, notamment dans les régions du Nord. Les industries culturelles maliennes, notamment la musique et le cinéma, sont fortement touchées par le piratage et la difficulté à gérer les droits d’auteur de manière uniforme.

Pour pallier ces problèmes, le BUMDA a entamé des réformes pour renforcer ses capacités de gestion et favoriser la collecte des redevances, même dans les régions reculées. Le Mali a également lancé des initiatives de sensibilisation à destination des créateurs locaux pour les informer de leurs droits.

La Guinée-Bissau et la Guinée : des systèmes en développement

La Guinée-Bissau reste en retard dans la mise en œuvre d’un cadre juridique solide pour protéger les droits d’auteur. Les infrastructures culturelles sont faibles, et le secteur des industries créatives reste largement informel. Cependant, des initiatives récentes visent à formaliser la gestion des droits d’auteur dans le pays, bien que cela reste un chantier en développement.

La Guinée, avec ses riches traditions culturelles, notamment musicales, possède un grand potentiel pour ses industries créatives. Néanmoins, comme pour la Guinée-Bissau, la protection des droits d’auteur est limitée par des infrastructures juridiques et institutionnelles insuffisantes. La modernisation des structures de gestion collective est essentielle pour dynamiser ce secteur.

La professionnalisation des acteurs culturels dans la zone UEMOA

L’un des points communs entre ces différents pays de l’UEMOA est la nécessité de professionnaliser les acteurs des industries culturelles. Des initiatives de formation pour les artistes et les acteurs des ICC se multiplient, notamment avec l’appui d’organisations internationales comme l’OMPI et la CISAC.

Les bureaux de gestion des droits d’auteur, comme le BURIDA en Côte d’Ivoire ou la SODAV au Sénégal, jouent un rôle crucial dans la professionnalisation des artistes. Ils offrent des plateformes de formation et des outils pour aider les créateurs à mieux comprendre leurs droits et à en tirer un revenu. Cependant, ces structures doivent encore améliorer leur efficacité et leur transparence pour maximiser leur impact.

Initiatives panafricaines et internationales

Les pays de la zone UEMOA collaborent activement avec des organisations internationales telles que l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) et la CISAC (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs) pour renforcer leurs systèmes de gestion des droits d’auteur. Ces collaborations permettent de mutualiser les efforts pour lutter contre le piratage, harmoniser les législations, et développer des bases de données pour le suivi des œuvres.

Des accords de réciprocité entre les sociétés de gestion collective de différents pays sont essentiels pour garantir que les droits des artistes soient respectés, même au-delà des frontières nationales. Des initiatives telles que la mise en place d’une base de données africaine des œuvres, soutenue par la CISAC, sont en cours pour faciliter ces échanges.

L’avenir des droits d’auteur dans la zone UEMOA dépendra de la capacité des États à moderniser leurs législations, à professionnaliser les acteurs culturels, et à renforcer la gestion des droits d’auteur face aux défis du numérique et du piratage. Si des pays comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Burkina Faso montrent l’exemple avec des réformes et des initiatives pionnières, d’autres pays, comme la Guinée-Bissau et la Guinée, doivent encore construire des structures robustes pour soutenir leurs industries culturelles.

La coopération internationale, la professionnalisation et la création d’infrastructures adaptées seront les clés pour permettre aux créateurs de la région de pleinement bénéficier de leurs œuvres, tout en garantissant un environnement propice à la création artistique et culturelle.

Jean-Yves Martin

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